Le rétrécissement aortique calcifié
Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est une des pathologies cardiaques les plus courantes. Cette maladie de la valve aortique est surtout rencontrée après 70 ans. Sous le double effet du « papy-boomer » et de l’augmentation de l’espérance de vie cette affection cardiaque est de plus en plus fréquente.
Le rétrécissement aortique calcifié (RAC)
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une maladie mais d’une dégénérescence de la valve sous la forme d’une accumulation de dépôts calcaires de façon progressive réalisant un véritable obstacle au passage du flux sanguin.
La valve aortique est située à la sortie du cœur, entre le ventricule gauche, la plus puissante pompe cardiaque et l’aorte, ce gros vaisseau artériel qui, par l’intermédiaire de toutes ses branches va distribuer le sang oxygéné à la totalité de l’organisme. Cette valve est normalement constituée de trois valvules appelées sigmoïdes aortiques. Elles ont la forme d’un nid de pigeon. Leur épaisseur normale ne dépasse guère 1 mm. Ouvertes, l’orifice aortique a une surface d’environ 3 cm2. Fermées, elles sont continentes et empêchent le sang de revenir dans le ventricule gauche.
Le premier signe clinique du rétrécissement aortique est l’apparition d’un souffle cardiaque.
La clef du diagnostic repose sur l’auscultation cardiaque qui permet d’entendre un souffle « systolique » important. L’abolition du « deuxième bruit cardiaque » signe le caractère serré du rétrécissement.
Votre médecin traitant vous demandera par de simples questions s’il existe des signes de gravité (essoufflement, douleur dans la poitrine, malaise).
En l’absence de signes de gravité, une simple surveillance s’impose. Néanmoins des phénomènes compensateurs sont mis en route par l’organisme. Le ventricule gauche se muscle car il doit lutter contre un obstacle. Il s’épaissit : c’est l’hypertrophie ventriculaire gauche.
Entre ce dépistage par votre médecin traitant et les premiers signes que votre cœur et votre organisme ne tolèrent plus ce rétrécissement, il peut y avoir plusieurs années. Dans de rares cas, l’évolution est plus rapide sur quelques mois.
La confirmation de ce diagnostic est faite par l’échographie cardiaque qui va au mieux apprécier la sévérité du rétrécissement et son retentissement en particulier sur le ventricule gauche. Dans certains cas, où les symptômes sont peu importants, une épreuve d’effort peut être utile et orienter la conduite thérapeutique entre simple surveillance ou chirurgie. L’échographie cardiaque même en l’absence de symptôme peut montrer que le rétrécissement a un important retentissement sur le cœur et qu’il est alors nécessaire d’envisager une chirurgie.
Sauf cas décrits précédemment et en règle générale, seuls les rétrécissements aortiques symptomatiques doivent nécessiter une prise en charge chirurgicale.
L’apparition des signes cliniques est l’indicateur de la nécessité d’une chirurgie.
L’un des premiers signes clinique est l’apparition d’un angor d’effort (angine de poitrine) qui se traduit par des douleurs thoraciques d’intensité variable mais qui bien souvent obligent la personne à arrêter son effort.
L’autre signe clinique est l’essoufflement à l’effort. Le cœur lutte en permanence contre un obstacle, lorsqu’on lui en demande plus, au cours d’un effort, il ne « suit plus » : c’est la dyspnée d’effort. Dans certains cas, même au repos, le cœur ne peut plus assurer correctement ses fonctions et le sang va « stagner » dans les poumons : c’est l’œdème pulmonaire, de gravité variable.
Plus inquiétants sont les malaises à l’effort voire les syncopes qui traduisent un manque de perfusion au niveau cérébral, ou bien des troubles de conduction cardiaque à type de tachycardie ventriculaire. Dans d’autres cas , il s’agit de troubles du rythme à type de « bloc » cardiaque, l’extension des calcifications atteint le système électrique du cœur. Il faut alors mettre en place une pile (pacemaker).
Dans des cas très rares, il a été décrit des embolies de fragments calcaires.
Enfin, et comme sur toute valve cardiaque défaillante, une infection peut se greffer et être responsable d’une endocardite.
A partir du moment où un rétrécissement aortique calcifié « fait parler de lui », l’espérance de vie est dramatiquement amputée (30% de survivants à 3 ans, soit 70% de décès). Et comme l’ont montré plusieurs études, si le traitement médical peut, très ponctuellement traiter une de ses complications, il faut savoir qu’il n’y a pas de traitement médical du rétrécissement aortique. Le traitement du rétrécissement valvulaire aortique est essentiellement chirurgical..
En cas d’insuffisance cardiaque due au rétrécissement aortique, l’espérance de vie n’est que de quelques mois. Le risque de mort subite existe.
Le traitement est chirurgical.
Le seul traitement efficace est le remplacement valvulaire aortique. Celui-ci se pratique de façon très fréquente dès 70 ans et aujourd’hui extrêmement fréquemment chez des patients de plus de 80 ans. Il reste encore rare au delà de 90 ans.
La chirurgie est effectuée sous circulation extra-corporelle. Elle consiste à enlever la valve malade et calcifiée. Ensuite le chirurgien va coudre une valve artificielle sur l’anneau aortique. Cette valve peut être une valve mécanique pour les plus jeunes patients, ou une valve biologique pour les patients de 65 ans et plus.
Le risque opératoire n’est jamais nul. Un bilan complet, au mieux effectué conjointement avec une équipe de cardiologues permettra d’établir un bilan exhaustif d’opérabilité.
Selon les registres des Sociétés savantes, le risque de décès d’un remplacement isolé de la valve aortique est de 2 à 4 %.
Passé le cap opératoire, la chirurgie transforme et inverse l’espérance de survie des patients avec plus de 70 % de chances de vie à 3 ans.
Il est à noter que plus de 90 % des opérés ont un excellent résultat fonctionnel, et que plus de 70 % des opérés redeviennent complètement asymptomatiques et mènent une vie absolument normale.
Les alternatives thérapeutiques
La valvuloplastie aortique
Elle consiste à dilater la valve à l’aide d’un ballonnet. C’est une technique globalement abandonnée.
Ces résultats à moyen terme ont été décevants et cette technique n’est pas dénuée de complications. Néanmoins lorsqu’elle s’inscrit dans une prise en charge globale, médico-chirurgicale, du patient, elle peut permettre de passer un cap aigu qui rend secondairement l’acte chirurgical possible et performant.
L’implantation de la valve aortique par voie mini-invasive
Trois techniques sont prometteuses dans ce domaine. Dans l’immédiat ces techniques sont indiquées chez les patients à haut risque chirurgical ou contre-indiqués pour une chirurgie conventionnelle :
- soit la pose de la valve par voie transfémorale qui nécessite des conditions d’abord artériel strictes qui ne sont pas toujours remplies chez des personnes âgées. Cette technique expose à des complications vasculaires potentiellement graves.
- soit la voie dite apicale qui consiste à ponctionner la pointe du ventricule gauche via une mini thoracotomie. Par cette voie d’abord chirurgicale, le chirurgien est au plus près de la valve aortique pour en effectuer sa dilatation puis la mise en place de la prothèse valvulaire.
- soit par voie dite « directe aortique ». Les chirurgiens cardiaques de l’Hôpital Privé Jacques Cartier ont la plus grande expérience au monde dans cette nouvelle procédure : près de 200 patients en ont bénéficié au cours des deux dernières années. Cette technique s’effectue par une « mini-sternotomie » de quelques centimètres à la partie haute du thorax. L’aorte est alors directement cathétérisée. La proximité de la valve cardiaque malade sur laquelle il faut intervenir rend cette procédure très efficace et rapide a effectuer.
Ces trois techniques exposent à des complications de rupture de l’anneau aortique et d’obstruction des artères coronaires, complications responsables le plus souvent d’un décès immédiat. Ces complications sont heureusement rares.
L’Hôpital Privé Jacques Cartier et ses équipes médico-chirurgicales ont participé à deux études multicentriques européennes de faisabilité « Revive » et « Partner ». Ces études ont démontré la faisabilité de ces techniques mais au prix d’un risque de décès globalement de l’ordre de 10%, ce qui rapporté à des patients dont le risque chirurgical statistique était très élevé, à plus de 20% (calculé sur l’Euroscore et le STS score) est très satisfaisant.
L’Unité de Chirurgie Cardiaque adulte a implanté des valves aortiques par voie trans-apicale et « directe aortique » chez plus de 200 patients avec des résultats en constante amélioration. Le pôle coeur a ainsi la plus grande expérience en France concernant ces différentes procédures qui sont des alternatives à la chirurgie classique pour les patients trop fragiles et/ou trop agés (>90 ans).
Néanmoins et dans l’état actuel des connaissances et en l’absence d’études randomisées, il ne paraît pas concevable et non éthique de proposer ces techniques alternatives à des patients ayant une indication classique et conventionnelle de remplacement valvulaire aortique.