Pathologies de la valve aortique
Ces différentes pathologies de la valve aortique nécessitent le plus souvent un remplacement valvulaire aortique par une prothèse artificielle, biologique ou mécanique. Le remplacement valvulaire aortique est ainsi très couramment réalisé, avec des résultats satisfaisants en dépit de l’âge de plus en plus avancé des opérés et ceci grâce à l’amélioration de la technique chirurgicale, des prothèses utilisées et de la protection de la fonction contractile du myocarde.
Anatomie pathologique
1 – Les sténoses aortiques orificielles
Les publications actuelles font état d’une modification de la fréquence respective des diverses maladies valvulaires liée à la régression du rhumatisme articulaire aigu et à l’augmentation de la durée de vie.
Trois types de lésions font actuellement l’objet de remplacements valvulaires
1.1 – la bicuspidie aortique
Elle est le plus souvent le résultat d’une symphyse complète entre deux sigmoïdes coronaires, sous forme d’un volumineux bourrelet fibro-calcaire étendu de la paroi aortique au centre de l’orifice.
Les deux autres commissures, antérieure et postérieure, sont généralement intactes et l’orifice est ainsi réduit à une fente antéro-postérieure, prenant souvent l’aspect d’un accent circonflexe, avec des bords rigides, entraînant un rétrécissement serré.
L’ensemble de la valvule est le plus souvent massivement calcifié, sous forme de concrétions irrégulières, pouvant atteindre 1 cm d’épaisseur, infiltrant l’anneau aortique.
La calcification peut se propager par une coulée en tache de bougie sur la grande valve mitrale, sous la sigmoïde non coronaire et aussi dans le septum inter-ventriculaire qu’elle pénètre sous forme d’indentations pouvant atteindre plus d’un centimètre de longueur.
Cette dernière coulée explique la possibilité de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire en raison de la proximité du tronc du faisceau de His qui peut être atteint soit par la calcification elle même, soit par sa résection chirurgicale et par la réaction inflammatoire qui s’en suit.
L’origine de cette bicuspidie suscite de nombreuses discussions : il est souvent difficile, compte tenu du caractère massif de la calcification, de déterminer le caractère congénital ou acquis (post-rhumatismal) de la symphyse entre les deux sigmoïdes coronaires. On estime à l’heure actuelle que l’étiologie congénitale est en cause 4 fois sur 5.
Quoiqu’il en soit, ce type de rétrécissement aortique (RA) est l’un des plus fréquents représentant environ 40% des étiologies.
1.2 – Rétrécissement aortique du sujet âgé ou maladie de Monckeberg
Cette une lésion dégénérative, observée chez les sujets âgés, de plus de 70 ans.
L’origine athéroscléreuse se caractérise par l’absence de symphyse commissurale, la valve conservant ses trois sigmoïdes indépendantes mais enraidies par des lésions fibro-calcaires.
La limitation de la mobilité valvulaire explique l’effet de rétrécissement prédominant, souvent associé à une régurgitation contingente. Ces valves figées entourent un orifice à trois branches (telle l’enseigne de Mercedes) dont la géométrie est indéformable au cours de l’éjection ventriculaire gauche.
L’augmentation de la proportion des opérés âgés dans les séries chirurgicales actuelles, fait que cette pathologie représente entre 45 et 55% des étiologies.
1.3 – Rétrécissement aortique rhumatismal
Sa fréquence est en régression nette dans les pays occidentaux et il n’intervient que dans 15 à 25 % des étiologies. Les antécédents de RAA ne sont pas toujours faciles à retrouver, ce d’autant que la sténose ne se manifeste que 40 ou 50 ans après l’atteinte inflammatoire initiale.
Ici, l’architecture tricuspide est conservée mais les trois commissures et les segments valvulaires adjacents des sigmoïdes sont symphysés. Au maximum, la valve prend alors un aspect de dôme terminé par un gicleur, avec des parois fibreuses, pseudo-cartilagineuses, pouvant se surcharger de calcifications sous forme de grains.
L’orifice peut atteindre ainsi un diamètre de 7 à 8 mm, alors que l’orifice d’un adulte normal mesure de 22 à 28 mm de diamètre. Le plus souvent, la symphyse commissurale est incomplète mais les lésions fibreuses et rétractiles modifient la géométrie des sigmoïdes, de sorte qu’une régurgitation importante est souvent associée à la sténose.
Enfin, dans cette étiologie, l’atteinte mitrale concomitante est fréquente.
2 – Les insuffisances aortiques
Leur étiologie est dominée par trois pathologies : le RAA, la dystrophie, l’endocardite infectieuse.
2.1 – Le rhumatisme articulaire aigu (RAA)
Les sigmoïdes aortiques sont épaissies, rigides, avec des rétractions au niveau du bord libre entraînant un défaut de coaptation. Un prolapsus valvulaire existe dans 25% des cas environ.
Comme nous l’avons vu plus haut, il s’y associe souvent des lésions de symphyse commissurale provoquant un certain de degré de sténose associée, les deux lésions définissant la maladie aortique.
2.2 – Les lésions dystrophiques de l’aorte ascendante
Elles sont à replacer dans le cadre de dystrophies générales : maladie de Marfan, maladie d’Ehler-Danlos ou de dystrophies localisées à l’aorte ascendante : c’est la maladie annulo-ectasiante associant : une dilatation de l’aorte initiale sur 4 ou 5 cm, au niveau des sinus de Valsalva et de l’anneau valvulaire. La valve devient ainsi incompétente, incapable de fermer cet orifice agrandi. Le tissu valvulaire est lui même dysplasique, par dégénérescence myxoïde avec un aspect très fin, translucide, susceptible de permettre l’éversion ou le prolapsus de la valvule vers le ventricule, sous l’effet de la pression diastolique dans l’aorte.
2.3 – L’endocardite infectieuse
Cette étiologie engendre deux types d’atteinte valvulaire : d’une part des lésions de prolifération (végétations) formées de tissus fibrineux comportant des amas microbiens et leucocytaires, souvent friables, susceptibles d’embolie.
D’autre part peuvent coexister des lésions de mutilations du tissu valvulaire avec perforation à l’emporte pièce en plein centre de la valve ou déchirure du bord libre ou de l’attache commissurale.
Ces lésions de mutilation sont responsables de l’aggravation subite de l’IA, expliquant une dégradation hémodynamique brutale au cours de l’évolution de l’endocardite infectieuse.
Des abcès sont susceptibles de se propager aux tissus voisins : anneau aortique, septum inter-ventriculaire (troubles de conduction auriculo-ventriculaire et parfois perforation septale), ou du sinus de Valsalva antéro droit avec possibilité de rupture dans l’oreillette droite.
2.4 – Les autres étiologies
Leur rôle dans la genèse de l’IA est beaucoup plus rare :
La dissection aortique peut engendrer une IA par plusieurs mécanismes : distension de l’anneau, en cas de dissection rétrograde jusqu’à la base du cœur, prolapsus valvulaire par abaissement d’une commissure lié à la déchirure intimale, abaissement du plan de l’anneau sur une partie de sa circonférence, sous l’influence de l’hématome disséquant.
Les traumatismes : l’atteinte valvulaire aortique est la plus fréquente au cours des traumatismes fermés du thorax. L’hyperpression intra-thoracique est responsable de déchirures du tissu valvulaire sur son bord libre ou d’une rupture d’une commissure responsable d’un prolapsus.
Les « aortites » : que ce soit la maladie de Takayashu, la spondylarthrite ankylosante ou la syphilis sont responsables d’un remaniement du tissu valvulaire spécifique : l’épaississement, les rétractions du bord libre des sigmoïdes, sont responsables d’un défaut de coaptation.
Certaines cardiopathies congénitales peuvent conduire aussi à une IA : la bicuspidie, le plus souvent par le biais d’une endocardite infectieuse, les fenestrations valvulaires, les rétrécissements sous-valvulaires, par l’intermédiaire de la lésion de jet ou par une surinfection bactérienne et la communication interventriculaire (syndrome de Laubry et Pezzi) par prolapsus de la sigmoïde antéro droite qui surplombe la déhiscence septale interventriculaire.